• La généalogie de la famille LENOIR/COLAS

     

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  • La généalogie de la famille SERISIER/LACAZE

     

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  • Généalogie de la famille VASSEUR/DUTHOIT

     

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  • Généalogie de la famille PERRIOT/REGNIER

     

     

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    À ma famille - bien vivante du vingt et unième siècle - et….



    À tous mes aïeux qui, étant nés sans "nom" ni fortune, sont oubliés des livres d'histoire. Tous sont porteurs du même message d'espoir : vivre, non pas pour survivre mais vivre pour que chacun apporte sa pierre à l'édifice de ce très long voyage que l'on nomme la vie.
     

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    Installez-vous confortablement, nous allons partir pour ce merveilleux voyage qu'est l'histoire. Non pas celle des rois ou autres illustres personnages, mais celle de nos ancêtres; ces "sans-le-sou", "traîne-misère", "crève-la-faim"; pauvres bougres qui tentaient de survivre en arrachant à la terre leur repas quotidien.

    Il faut pour cela remonter le temps, traverser les siècles, revivre tous les grands ou malheureux moments de l’Histoire et de celle des gens de qui nous descendons : les guerres, les famines, les épidémies, la grande Révolution, l’ère napoléonienne, l’horreur de la guerre de 14 ! Mais tout autant leurs joies, leurs aventures, les péripéties de leur existence et leurs amours oubliés... Mais tout n’est pas si simple. La généalogie des familles roturières ne saurait remonter plus loin que le XIIIe siècle, le patronyme n’existant pas. Les divers registres existants, les actes notariés ne se généralisent qu’au début du XVIe siècle sur la demande de François 1er. Il est donc permis d’espérer trouver nos ancêtres jusqu'à cette date, et cela peut en représenter plus de mille !

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    Pour arriver à ce résultat, il faut passer des années dans des Archives Départementales à consulter les registres d’état-civil, les recensements, les archives militaires, les actes notariés et quantité d’autres documents, sources d’informations précieuses, pour tout généalogiste. Il est nécessaire également de s'armer de patience pour décrypter des actes, rendus illisibles par le temps - humidité, mauvaise qualité d'encre etc. - ou incompréhensibles à compter de 1792 par le manque d'instruction de rédacteurs le plus souvent non qualifiés pour cet emploi.

    Place à un moment d'introspection…



    Revenons pour cela quelques années en arrière....

    Cette époque me semble bien lointaine. Mes premiers souvenirs remontent à la maternelle. Dois-je évoquer l’enfant que j’étais ? Indisciplinée, coléreuse, capricieuse mais attachante, disait-on. Curieuse par nature, l’univers scolaire me semblait trop étroit, ma soif de connaissances n’était pas en adéquation avec le programme de l’Education Nationale. Mes parents, désolés comme peuvent l’être les parents dont les enfants ne répondent pas à leurs attentes, ont opté pour une rentrée dans le privé. Je me suis révoltée contre l’instruction catholique et leur manque de tolérance.

    Combien de fois ai-je lu au bas de mon bulletin scolaire : «A le potentiel pour y arriver mais ne fait aucun effort» . J’abhorrais la rédaction, la lecture, les mathématiques; Ajoutez à cela une dose d’anglais, quelques pincées d’Histoire, de Géographie et Sciences Naturelles, vous obtenez... un programme bâclé. Lire, écrire, compter, étaient, je le pensais alors, largement suffisant. Les années passant, j’ai poursuivi mes études de façon chaotique et ce, jusqu'à ce que les évènements de la vie me pousse à arrêter celles-ci pour me lancer dans le monde du travail.

    Je regrette aujourd’hui d’avoir brûlé les étapes, de n’avoir pas eu la patience d’attendre. J’aurais du comprendre que le Savoir est un bienfait qui s’acquiert pas à pas.

    Sotte enfant, sans plus de cervelle qu’un moineau ! Pourquoi n’as-tu pas compris que ces gens qui tentaient de t’inculquer leurs savoirs, t’offraient les clés de la Connaissance...Tu n’as pas voulu saisir cette chance, j’insiste bien sur le terme «voulu» car pendant des années tu as tenté de te persuader que tu n’avais pas eu d’autre solution que de mettre fin à ta scolarité. Cette chance que tu veux saisir aujourd’hui, par le biais de tes recherches et la rédaction de cet ouvrage sont tes exutoires ; elles te donne la possibilité de te réconcilier avec toi-même, tu en rêvais depuis des années sans jamais oser te l’avouer. Accroche-toi petite fille rebelle, le temps de la Tempérance est là depuis quelques années déjà ; tu dois maintenant réussir, là où tu as échoué il y a bien longtemps…

    Quelques années plus tard, le spectre de la mort tenta de m'attirer vers ses limbes; je pris soudain conscience qu’après mon départ, plus rien ne subsisterait et qu'il fallait me battre pour laisser une trace de mon passage. L’idée de partir à la recherche de mes ancêtres s’imposa à moi. Je pouvais ainsi, sans aucun narcissisme, inscrire mon nom, au sein d’une longue lignée. Je n’étais plus seule. Je rejoignais mes grands-parents, mes arrières grands-parents et les parents de ceux-ci.... Un matin, j’ouvris donc un cahier d’écolier et commençais par noter les quelques renseignements que je possédais sur mes aïeux. Cela se résumait à quelques dates de naissance, de mariage et de décès. Ces renseignements me permirent d’accéder à une branche supérieure, de ce qui était déjà, mon arbre généalogique.

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    La généalogie familiale ne se résume pas à l’accumulation de dates, c’est un merveilleux voyage au cœur de l’Histoire, un voyage sans guide touristique, sans dictionnaire linguistique du pays visité, une immersion dans le cadre culturel et social dans lequel vivaient nos ancêtres. Il nous faut oublier notre liberté d’esprit, notre esprit critique... Oublier notre habitude de distinguer vie privée et vie publique, nos critères de valeur et de confort. Tout jugement ne peut qu’être anachronique : nos ancêtres ne pensaient pas comme nous, ne ressentaient pas comme nous . Pour aborder l’état d’esprit de l’époque, il est nécessaire d’avoir quelques points de repères caractéristiques du contexte social, économique, culturel et religieux, à garder en toile de fond . Il s’agit principalement des contraintes naturelles, économiques, des normes culturelles, affectives et sociales, des rites et coutumes, des croyances.
    Elle vous rapporte ses anecdotes sur un village mais également des statistiques sur l’ évolution démographique. De bonnes notions de paléographie moderne, d’étymologie des patronymes et des métiers, pour beaucoup disparus aujourd’hui.

    • Contraintes naturelles
      Le décor quotidien et domestique est étrangement différent du nôtre et la vie s’y écoule lentement, au rythme des balanciers des horloges d’autrefois.
       
    • Contraintes économiques
      Travailler beaucoup pour se nourrir, et en fait, se nourrir peu. Se nourrir pour vivre, ou du moins survivre, généralement pas très vieux. La santé, pour nos ancêtres, est bien la première richesse.
       
    • Normes culturelles, affectives et sociales
      L’idée de « liberté » n’existe pas. L’urgence vitale est d’appartenir à un groupe, afin d’être nourri, logé, protégé des guerres, des famines et des épidémies. On vit avec la peur, dans une attitude fataliste. L’espérance d’un au-delà de béatitude fait oublier les difficultés quotidiennes.
       
    • Rites et Coutumes
      Quels que soient le rite, la coutume ou la mode et quelle que soit l’époque de son apparition, tel acte, d’abord pratiqué par une élite (politique, cultivée, chrétienne, aisée...), est imité progressivement par le milieu social immédiatement inférieur. D’abord les notables, eux-mêmes imités par la bourgeoisie, puis par l’artisanat, enfin par les paysans et les ouvriers ; ceci sur deux, trois ou quatre générations. Il n’est donc pas étonnant d’observer parfois deux siècles de décalage entre le début d’une pratique et son adoption par le peuple.
       
    • Croyances
      Comment expliquer l’inexplicable ? La peur chez nos ancêtres est omniprésente... Contre cette peur, ils s’entourent et se garantissent de mille façons, souvent naïves et émouvantes. Un sujet du roi doit croire à la religion catholique apostolique et romaine. Sinon, considéré comme hérétique, il est condamné au bûcher au XVIIe siècle, aux galères au XVIIIe siècle. Il est encore moins tolérable d’être athée ou - pire ! - agnostique.
       
    • Evolution démographique
      La démographie est caractérisée par une forte natalité, mais aussi une importante mortalité . Les «vieux» symbolisent la sagesse collective de ceux qui ont échappé à la mort, aux épidémies, aux violences des guerres, aux accidents du travail.
       
    • Métiers
      Essentiellement tournés vers l’agriculture, un jour vint, pourtant, où nos ancêtres partirent massivement pour la villes, et le temps connut alors d’autres rythmes. Tout bascula, et ces mentalités, engendrées par un monde apparemment immobile, s’estompèrent et disparurent.
       
    • Anecdotes
      Relevées à la lecture des registres paroissiaux ; les curés sont parfois, très prolixes. Un pauvre hère, qui en 1760, ne peut convoler en justes noces parce qu’il ne peut justifier de sa majorité par le rapport de son extrait baptistaire; Un baptême de cloches pour l’église du village; Une recette pour se prémunir des charançons et bien d’autres encore...


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      Transcription d'un acte relatant une tempête en 1645


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      Les contraintes naturelles.
       
    • Le confort :
      Nos ancêtres sont plus aguerris, plus résistants, moins «douillets» que nous. Ils peuvent marcher 40 km ou travailler une quinzaine d'heures par jour, et trouver cela «normal». La plupart ignorent les chaussures en cuir (qui s'usent vite et sont réservées à l'élite). Les campagnards vont ordinairement nu-pieds ou en sabots. A la longue, une couche de corne se forme sous la peau, protégeant le pied. La chaussette n'apparaît qu'au XIXe siècle ainsi que les sous-vêtements qui ne sont, eux aussi, connus que de l'élite. Les vêtements de toile grossière ou de chanvre, rudes, rêches, râpeux, se portent à même la peau… Les paysans dorment dans des maisons non chauffées l'hiver; l'eau du baquet gèle souvent la nuit. Quand ils ont faim, c'est qu'ils n'ont vraiment rien mangé de la journée.
       
    • Le temps :
      Nos ancêtres n'ont ni la capacité ni les connaissances pour maîtriser le temps, l'espace et l'énergie. La notion de temps est liée aux travaux agricoles et à l'Eglise. Calendrier agraire et fêtes donnent des repères à l'année civile. «On paie le loyer à la Saint-Michel ou à la Sainte Magdeleine…» « Le petit est né juste avant les moissons, les vendanges…».
      Les cloches du beffroi communal ou celles des messes (toutes les trois heures, des matines aux vêpres) rythment la journée de travail. Pour les actes courts, l'Eglise donne une autre mesure du temps : «Faire cuire un œuf dure le temps d'un Ave»
       
    • L'eau :
      Pas question de bain moussant : on se lave «à sec» en se frottant la peau d'un linge sec. Depuis que la grande peste noire de 1348-1350 a éliminé la moitié de la population en Europe, le Moyen Age a associé bain et étuves, à la pénétration des maladies par les pores de la peau dilatés par l'eau. Il en résulte un manque caractéristique d'hygiène.
       
    • La lumière :
      La seule lumière est celle du jour. Nos ancêtres vivent le jour au rythme du soleil, et le soir à la lueur du foyer (à la bougie chez les plus aisés : les chandelles sont chères et portent le risque d'incendie).
       
    • Le travail :
      Dans cette économie de survie, le travail est, pour la majeure partie de la population, la première richesse. Une hernie pour un manœuvrier, chef de famille, dans un monde sans sécurité sociale, entraîne la ruine et la misère; la santé constitue le capital de base indispensable à la survie.
      Le salaire est fonction de la force physique, qui devient alors une valeur morale autant qu'économique. «La loi du plus fort est toujours la meilleure» se vérifie tous les jours. Imposer le respect par la crainte est une vieille règle.
      La violence est partout. Le quotidien est menacé en permanence : soldats pendant les guerres et soldats sans solde pendant les périodes de paix, errant souvent, pilleurs et violeurs. Tout déplacement est dangereux. La rareté de la maréchaussée ne parvient pas à éliminer les violences, nombreuses et variées, d'une époque marquée par l'insécurité. Malgré ses excès, la violence appartient à la société ordinaire (exécutions publiques, tortures,…). Elle marque la société villageoise et joue un rôle social fondamental, allant jusqu'à créer une cohésion sociale.
      Jouer avec la mort fait partie de leur vie. En conséquence, dans cette société si rude, les hommes n'ont pas la même sensibilité que nous : ils sont humains, mais le sont autrement que nous.
      Le seuil de la douleur a aussi évolué. Nos campagnards connaissent la douleur, celle des accidents, de l'arrachage de dents, de l'amputation sans anesthésie, cautérisée au feu. Ils la supportent et n'ont pas le choix, ni les moyens de la diminuer ou de la supprimer… du moins, pour ceux qui survivent à ces épreuves !
       
    • L'espérance de vie :
      La démographie est caractérisée par une forte natalité, mais aussi une forte mortalité infantile (un enfant sur deux meurt avant cinq ans !). L'espérance de vie est d'environ 30 ans au XVIIIe siècle, 40 ans chez les rentiers.
      Les «vieux» symbolisent la sagesse collective de ceux qui ont échappé à la mort, aux épidémies, aux violences des guerres, aux accidents du travail… «Il n'y a rien de plus certain que la mort, ni de plus incertain que l'heure d'icelle» selon la formule rituelle des testaments. L'essentiel de l'apprentissage se fait par la confrontation quotidienne avec la mort et une nature non encore apprivoisée par la technique moderne. D'où une autre façon de «penser la vie», tous les jours, par rapport à la mort, en y introduisant une part de surnaturel.

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      La communication.
      Sous l'Ancien régime, 85 % de la population est rurale, et par conséquent, éloignée des centres d'informations et d'échanges que constituent les villes. Les nouvelles arrivent, de temps en temps, transmises par les hommes de «lettres», (curé, notaire, parfois le seigneur), lorsqu'ils reçoivent un courrier, ou bien par le colporteur. La plupart des gens ne savent pas lire, encore moins écrire ; nous le verrons dans un chapitre suivant. Gestes et paroles sont les moyens d'expression privilégiés, dans un monde majoritairement analphabète.
       
    • Le silence :
      Il est habituel et général. Souvent, le paysan se tait. Parler diminue l'endurance… La parole est rare, le geste codé peut suffire. Certains historiens ont attiré l'attention sur le langage du corps. Par exemple, le père émancipant son fils lui écarte symboliquement les mains, il le «délie». La population paysanne s'exprime par des attitudes, des comportements et des gestes symboliques et concrets. L'écriture est une expression trop abstraite. Cette rareté de la parole au quotidien explique peut-être la fascination que nos ancêtres peuvent avoir pour les prédicateurs, curés ou moines mendiants itinérants, pour les devins, les astrologues et les prophètes. L'astrologie est partout.
       
    • La parole :
      Elle suscite à la fois émerveillement et méfiance vis-à-vis du «beau parleur». La parole n'est jamais neutre. En conséquence, nos ancêtres sont sensibles à tout ce qui est oral et possèdent une mémoire auditive développée, d'où l'importance des contes, des sermons, des généalogies orales, des prières et bénédictions, ou au contraire, de la sorcellerie et des malédictions. La parole est généralement associée aux rites magiques de guérison, licites ou non, publics ou clandestins, d'où l'importance des incantations, car il faut «joindre le geste à la parole».
       
    • Des lieux sont réservés à la parole :
      Les fontaines, lavoirs et rivières appartiennent aux femmes; forges, pressoirs et cabarets, aux hommes. L'église, le cimetière et la place du village sont des lieux publics pour toute la communauté. Des lieux, mais aussi des temps sont réservés à la parole, comme l'hiver à la veillée. Durant les menus travaux de réparation ou de fileries, se transmettent des contes, rêves, commérages ou chants. La popularité de la chanson, inventée sur place ou colportée, montre qu'elle possède son efficacité propre, qu'elle soit moqueuse, éducatrice, religieuse ou politique. La chanson populaire est une des manières utilisées par une communauté pour exprimer la représentation qu'elle se fait du monde.

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    • Chants et musique :
      Partout en France, violons, tambours, flûtes, cornemuses, participent de manière active à tous les actes de la vie collective dans l'espace villageois traditionnel, rites de passage tels que baptêmes ou mariages, bals champêtres, grandes fêtes traditionnelles, religieuses ou païennes (Carnaval, fête de la St Jean, Noël, etc.), fêtes patronales. Ces instruments viennent aussi appuyer les temps forts de la vie agricole : leur présence est notamment sollicitée pour les moissons, les battages, les défrichements et les célébrations des rites agricoles.
      La danse y joue également un rôle; par exemple la danse de «l'aire neuve» qui consiste à faire aplanir par les danseurs, l'aire sur laquelle on battra les céréales, ou bien à égaliser le sol de la maison en terre battue. Ainsi s'allient joie et travail.

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      Les normes culturelles, affectives et sociales.
       
    • L'idée de liberté :
      N'existe pas. La communauté est un refuge qui offre solidarité et sécurité. En contrepartie, elle impose une manière de penser et des contraintes collectives. Ces dernières assurent certes, la cohésion et la permanence du groupe, mais en même temps, font obstacle à une prise de conscience individuelle pratiquement inexistante.
       
    • L'idée du bonheur :
      N'existe pas. Les seules valeurs sont la gloire, l'héroïsme, la grandeur et la sainteté. Le seul et vrai bonheur est en Dieu.
       
    • L'expression du sentiment :
      On ne parle pas d'amour ou de sentiments, sauf de l'amour de Dieu. L'Eglise considère un seul amour chrétien, celui des époux qui ont en commun l'amour de Dieu et le grâce du sacrement du mariage. L'affection est supposée provoquer toutes sortes de désordres. L'amour, au sens ou nous l'entendons actuellement, avec sa composante de choix personnel, d'inclination, d'attirance physique, de goût, d'entente n'est pas considéré comme de première nécessité pour se marier. Pour certains, il serait presque un handicap. Les sentiments doivent surtout refléter les respect et la déférence. Le mot amour n'est jamais utilisé, on parle seulement d'affection, mêlée de crainte, de respect, de fidélité et d'obéissance. Ce dernier primant sur tous les autres.
      Bien sûr, les sentiments existent mais les paysans, émotifs, les contrôlent mal et les manifestent d'une façon qui nous paraîtrait incongrue ou exagérée. L'émotion et les sanglots sonores suscités par les sermons des prédicateurs, les colères soudaines et excessives, les coups et les effusions chaleureuses, indiquent que les mouvements de l'affection, positifs ou non, sont mal contrôlés. Le savoir-dire n'est pas leur fait.
      Une autre composante de la question est celle de l'exiguïté du logement : comment exprimer des sentiments quand on vit entassés dans une seule pièce (entre 1700 et 1790, 75 % de la population de Paris vit dans une pièce unique !) (cf : La Toilette et le coucher)

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      Dans notre société, majoritairement rurale, burinés par la difficulté de l’existence, lourdement marqués par les accidents divers, endurants à la douleur, parfaitement dépassés par leur environnement, se fiant à la nature et s’en défiant à la fois, profondément crédules et croyants, méfiants et craintifs, parlant plus de gestes que de mots, sensibles au bruit et à la rumeur, retenant plus par l’oreille que par l’œil, émotifs et excessifs, incapables de prévision, comme de prévoyance, tels sont nos ancêtres. Ils nous étonnent. Ils paraissent si loin de nos habitudes, de nos préoccupations, de nos intérêts, bref, de ce qui fait notre monde, notre vie, notre être. Et pourtant, ils sont aussi, par ailleurs, tellement semblables. Dans la chaîne de la solidarité ininterrompue, ils forment ce chaînon indispensable et, finalement, tellement proche, immédiatement contigu et lié au nôtre. Ne nous renvoient-ils pas une certaine image de nous, cachée, occultée ?

      À quoi ressemblent donc nos ancêtres ?

      Quel est leur aspect physique, ces «petits et sans grade», oubliés des peintres et des galeries d'art… Sont-ils grands ou petits , Gros ou maigres ? Mieux : s'ils sont grands, combien mesurent-ils ?
      Il est toujours décevant de chercher dans les ouvrages d'histoire à quoi peuvent bien ressembler nos ancêtres. La plupart des historiens qui consacrent quelques développements au «corps» ou même à «l'anthropologie» des populations anciennes se bornent à ne traiter que de la santé, ou plus exactement à évoquer les maladies épidémiques et les principales causes de mortalité. De ce fait, il reste encore difficile de savoir quel est l'aspect de ces générations de Français qui ont vécu avant le développement de la photographie.

      La silhouette paysanne
      Une allure courbée pour ces paysans pauvres qui travaillent la terre «à bras» avec la houe ; des habits souvent sombres, un teint plombé (c'est le sens ancien de livide) ou bronzé, caractéristique de qui travaille au grand air. Le paysan de la fin du XVIIe siècle est aussi l'homme de la nature aux yeux des catégories supérieures parce qu'il montre ses cheveux naturels ou sa calvitie au lieu de porter perruque, trahit par son teint le déroulement des saisons au lieu d'être fardé et de se protéger du soleil, et aussi parce qu'émanent de lui des odeurs corporelles ou relents d'animaux que nul parfum ne dissimule.

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      La nature peut aussi influencer fortement l'apparence physique du paysan, surtout s'il vit dans un milieu insalubre, fait plus répandu autrefois qu'on ne le croît. Prenons comme exemple la Sologne ou la Bas-Berry : de basse stature, tout courbés, ventrus, jaunes et safranés, infirmes et de petite complexion, ne vieillissant point (…), n'ayant ni poitrine ni poumon. Ils sont en toute chose, ainsi qu'ils le disent eux-mêmes un chétif peuple (…) Ils n'ont pas plus tôt atteint l'âge de dix ou douze ans qu'ils deviennent bruns ou plombés, ont tous de grandes et larges dents claires et mal rangées, qui leur font souvent mal et leur tombent tant aux hommes qu'aux femmes avant la vieillesse. Leur taille est courte ou courbée, leur voix frêle et mal propre au chant. Des yeux languissants, une bouffissure de la face, un gros ventre et une démarche lente…
      Cette contrée est malsaine, disgraciée par la nature; des champs offrent des tableaux de pitoyables cultures, comme les maisons de misère.
      Leur croissance est lente et les filles sont tôt fanées.
      Il s'agit d' observations significatives du rachitisme et de pathologies chroniques dues à un environnement insalubre, à une nourriture insuffisante, pauvre en calcium et peut-être d'aliments mal lavés et donc terreux. Autant de phénomènes que l'on retrouve aujourd'hui dans des pays du Tiers-monde.

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      Un couple de ruraux, témoins de l'évolution : un homme sans barbe, à cheveux encore longs, et une femme porteuse d'une coiffe, utilisée parfois pour dissimuler une «opération financière»…


      Barbes et cheveux. Des hommes aux cheveux plutôt longs et des femmes qui ne se montrent pas dans la rue «en cheveux» : ainsi pourrait être définit l'Ancien Régime, capillaire.
      Les Français que n'appartiennent pas aux catégories supérieures, font très relativement écho avec retard aux grandes tendances de l'élite : on peut observer la disparition de la barbe et de la moustache entre Louis XIII et Louis XIV. La pilosité hirsute du visage caractérise souvent le vagabond et l'absence momentanée de rasage et les cheveux ébouriffés sont, à la campagne, la marque du deuil jusqu'au XIXe siècle.
      L'homme du XVIIIe siècle est glabre, ce qui ne signifie par qu'il est rasé chaque jour. Être endimanché, ou bien porter une tenue de fête, consiste à se faire raser et aussi à se faire poudrer les cheveux qui sont plus longs en moyenne qu'aujourd'hui. Les représentations populaires associent la force virile à la chevelure, comme dans la Bible pour l'histoire de Samson.
      Les femmes de l'élite aristocratique offrent au regard des arrangements complexes de cheveux natures ou postiches, ornés de rubans et même de bijoux alors que les femmes du peuple cachent l'essentiel de leur chevelure, rassemblée en chignon sous la coiffe. La coiffe peut aussi dissimuler jusqu'au Second Empire le commerce discret que ces dernières font de leur chevelure : des marchands spécialisés les achètent et les coupent prestement sous une tente ou dans une baraque de foire pour les revendre à des perruquiers.

      Et la bedaine ?
      La maigreur, ou plus exactement une certaine minceur, est plutôt le fait des gens modestes, et elle résulte à la fois d'une alimentation parcimonieuse et d'un constant effort physique. Les clichés anciens nous laissent entrevoir, en dépit des attitudes figées qu'exigeaient les temps de pose, des corps de paysans et d'artisans trapus et musculeux, sans beaucoup de graisse, entièrement façonnés depuis l'enfance par un travail manuel rude, marqués par l'habitude d'être arc-boutés et penchés vers la terre ou pliés sous des charges pour l'homme et de se courber ou s'accroupir pour la femme.

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      La famille de paysans (Le Nain)


      Une bonne nutrition, abondante et riche en viande et en poissons, confère aux catégories aisées une certaine rondeur qui s'accentue avec l'âge. L'obésité véritable est en effet souvent expliquée par la goinfrerie, par une gourmandise exagérée ou une suralimentation blâmable. Louis XVI, comparé au cochon dans des pamphlets, en fera les frais.
      Toutefois, de la richesse économique des familles dépend l'alimentation, conditionnant la résistance aux maladies, donc la survie. Certaines régions sont privilégiées par un réseau fluvial favorisant l'approvisionnement (par exemple la Loire). La population est à la merci de la trilogie caractéristique des XVIe et XVIIe siècles : des guerres, qui privent les villages de moissonneurs et détruisent les moissons. D'où les nombreuses famines suivies d'épidémies. La logique est infernale. La mort est quotidienne et familière…

      Quand la morphologie rejoint la culture…
      Il est net en particulier que la répartition des grandes tailles correspond approximativement à une ligne qui va de Saint-Malo à Genève (ligne Maggiolo) et sépare, à quelques nuances près, une France du Nord-Est en avance pour l'alphabétisation et, plus généralement, économiquement plus dynamique, et une France en retard. La France des statures un peu plus élevées en moyenne est aussi celle qui est en avance économiquement et culturellement.
      Une comparaison a été faite pour le contingent 1868-1869 «entre ceux qui ont tiré un mauvais numéro et se sont fait remplacer et leurs remplaçants, qui sont originaires, en général, de la même région, mais d'un statut social évidemment beaucoup plus modeste. La différence est de 2,3 cm au profit des premiers. Si un journalier remplace un membre d'une profession libérale, elle atteint 2,8 cm au profit du second.»

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      Table et victuailles pour les plus chanceux…

      L'art de manger et ses accessoires.
      Dans l'évolution des mœurs occidentales vers une sophistication croissante, la multiplication des accessoires avec lesquels on mange est un indice majeur.
      Au début du Moyen-âge, la table, ce simple tréteau de bois, ne comporte qu'un plat collectif, dans lequel on saisit les mets avec ses doigts, un vase ou hanap qui sert à tous, et le saloir, ou récipient contenant le sel. Les chaises commencent à remplacer les bancs d'autrefois; la mise en place de la table est sobre : nappe blanche repassée en carrés, serviettes pliées simplement, couvert individuel (couteau et fourchette) parfois en étui, assiette et gobelet en étain à fort taux d'argent.
       
    • La serviette
      Les Anciens apportaient leur serviette à table, mais plutôt qu'à s'essuyer la bouche, elle leur servait à emporter les restes. Dans les premiers siècles du Moyen-Age, on utilisait le pan de la nappe ou plus simplement encore le revers de la main. Au XIIIe et XIVe siècle, les serviettes étaient parfois accrochées à la muraille, comme des torchons, et les convives venaient s'y essuyer la bouche deux fois, avant et après le repas. Plus tard, on prit l'habitude de changer les serviettes à chaque service. Les premières serviettes rudimentaires furent des tissus de laine puis vinrent celles de toile. On les porta sur le bras ou sur l'épaule.
      L'habitude de la nouer autour du cou date de la mode des «fraises», énormes collerettes très fragiles du siècle d'Henri III, qu'il fallait protéger des taches. C'était d'ailleurs difficile, surtout quand la fraise était particulièrement encombrante, et de là vient l'expression «Il n'arrive pas à joindre les deux bouts». On verra dans un paragraphe suivant que c'est aussi un peu grâce aux fraises que l'on doit les fourchettes.
      Au XVIIe siècle, avec la disparition de cols monstrueux, l'élégance à table exigea au contraire qu'on cessât d'attacher sa serviette derrière le cou, pour la poser, comme aujourd'hui, sur les genoux.
       
    • Le couteau
      Le couteau a été très longtemps un objet personnel que l'hôte n'était pas tenu de fournir. Les Anciens apportaient leur couteau à table. Au Moyen-Age on portait le couteau à la ceinture, dans une gaine de cuir dont la forme était différente selon les saisons. Il y avait alors une grande variété de couteaux : pour trancher la viande; désosser la volaille; pour casser les noix et surtout des couteaux à pain.
      Sur la lame des couteaux de monastère était gravées la musique et les paroles du Bénédicité. Il était de mauvais goût à cette époque d'offrir des couteaux. C'est ce que dit, en 1460, «L'Evangile des Quenouilles»; «celui qui estrennes sa dame par amour, le Jour de l'An, de couteau, sachez que leur amour refroidira».
      Les manches de couteaux changeaient de couleur selon la période liturgique : ils étaient noirs pendant le Carême bien sûr, blancs à Pâques, mi-blancs mi-noirs à la Pentecôte.
      Il fallait prendre grand soin de ces couteaux. Rangés dans du son, ils devaient être utilisés pour la table seulement, et ne pas, comme on le voyait trop souvent dans les maisons négligées, «voleter de la salle à la cuisine, de la cuisine à la chambre, et de la chambre à l'écurie.»
      La lame du couteau s'arrondit : la légende veut que Richelieu ait imposé cette modification après avoir vu le chancelier Séguier se curer les dents avec la pointe de son couteau; mais il semble plutôt que l'usage de la fourchette se généralisant, les convives n'ont plus à piquer avec la pointe du couteau pour déguster les mets.
       
    • La fourchette
      Les premières fourchettes véritables viennent de Venise. On en trouve également en 1328, dans l'inventaire de la reine de Hongrie. Cette fourchette en or ne servit sans doute à rien, car le Moyen-Age n'employa jamais de fourchettes que pour piquer les viandes ou quelques fruits confits, chez les reines. De Venise, la fourchette parvint à Florence, chez les Médicis.
      Cela n'empêchait pas la reine Catherine de Médicis, très gourmande d'ailleurs, de manger avec ses doigts, peut-être, tout au plus, se servait-elle de doigtiers pour les plats très chauds ! Henri III découvrit la fourchette et la mode extravagante des collerettes géantes, les «fraises», s'en mêla : on trouva commode, pour ne pas se tâcher d'utiliser des fourchettes vénitiennes aux longues dents pointues. Car jusqu'alors, la fourchette ne sert que du plat à l'assiette; on utilise les doigts pour porter à la bouche ! C'est au restaurant de la Tour d'Argent que pour la première fois apparut la fourchette en public.
      Il faut attendre la fin du XVIIe siècle pour voir s'acclimater la fourchette qui d'ailleurs se transforme : elle a bientôt quatre dents et non plus deux.
       
    • L'assiette
      Au XVe siècle, les assiettes s'imposent; On les appelle «tranchoirs». A l'origine, il s'agit de simples tranches de pain, qui prennent ensuite la forme d'écuelles, en étain souvent, où l'on dépose la viande pour la découper, au lieu de la déchiqueter avec les dents.
      Mazarin contribuera au développement de l'assiette creuse qui ne s'imposera qu'au milieu du XIXe siècle.

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      L'Alimentation.
      Au XVIe siècle la cour du roi de France mangeait des plats qui ressemblaient peu à ceux d'aujourd'hui : le blanc-manger était une épaisse purée de riz et de poulet arrosée de lait d'amandes broyées, saupoudrée de sucre et de saindoux frit; le cochon de lait était accompagné d'une sauce de jus de raisin fermenté et épaissi de chapelure; les fèves étaient cuites dans du bouillon de viande et parsemées de feuilles de menthe ou de pâte de coings. On buvait de l'hypocras, un vin rouge assaisonné de gingembre moulu.
      A la fin du XVIIe siècle, on consomme moins d'épices et plus de graisses, tels le beurre et l'huile d'olive, que l’on met dans les sauces. Les fruits et légumes crus sont réhabilités. Le sucre n'agrémente plus que les desserts, en fin de repas.
      Pourquoi les classes aisées ont-elle ainsi changé leurs habitudes alimentaires ?
      Certainement pas par souci d'économie, car les deux types d'alimentation coûtent autant; les plus pauvres, eux, ont continué de se nourrir de soupes de légumes, de gruaux, de lard, de pain frotté d'oignon et de bouillies d'avoine ou d'orge, buvant de l'eau coupée de vin, du cidre ou de la bière. Les raisons de cette transformation relèvent plutôt d'une évolution des idées fondées sur l'évolution de la médecine.
      Revenons à notre vin, l'hypocras; selon les médecins, le vin que l'on boit pendant un repas est excellent pour la santé, à condition, bien sûr, de ne pas en abuser (cf : Le livre des Vins, écrit vers 1310, attribué à Arnaud de Villeneuve et imprimé en 1478). Non seulement ce breuvage guérit les flatulences et l'infertilité, mais il fortifie aussi le cerveau, «augmente la force naturelle, favorise la digestion et produit du bon sang».

      L'art de bien manger, ou la naissance de la politesse apparaît vers le milieu du XVIe siècle. C'est une possibilité de faire partie de l'élite de la société qui prend alors conscience d'elle-même et cherche à se différencier des «vilains», c'est-à-dire des paysans tenus pour de rustres grossiers. Les règles sont particulièrement strictes pour la tenue à table. Il faut se tenir droit, ne pas remuer les jambes, ni mettre les mains sur la table. En somme, on exige de la retenue, et donc un certain nombre des gestes sont proscrits : s'essuyer les mains à la nappe, se gratter la tête ou les «parties honteuses», cracher ou tousser ouvertement.
      Si beaucoup de ces préceptes sont en usage de nos jours, certains rappellent que les notions de propreté et d'hygiène ont évolué.
      Prendre un bain relève de la prescription médicale, mais on change de linge, si cela est possible, plusieurs fois dans la même journée.

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      La Toilette

      Quand la nudité était sans gêne…
      Les bains communs restent appréciés durant tout le Moyen-Age. Charlemagne, qui séjournait volontiers dans les villes de cure, invite ses amis et «quelquefois des soldats de sa garde, de sorte que souvent cent personnes et plus se baignent à la fois». Le maillot n'avait pas lieu d'être. Personne ne n'offusque de la nudité commune, pourvu qu'elle ne rassemble que des hommes, ou des femmes.
      Au XIIe siècle, les croisés instituent les étuves en Occident. Dans ces espaces clos les deux sexes se mélangent, ce sont des lieux de rendez-vous pour les couples adultères. Mais les étuves cessent d'être à la mode après les grandes épidémies; il n'en reste que deux à Paris ou caleçons et bonnets de bain y sont obligatoires. Bains d'hommes et bains de femmes y sont nettement séparés.
      A cette même époque la nudité commence à choquer et à être réprimée sévèrement par les autorités communales. Dans une ville de l'est de la France, on condamne à quatre semaines de prison, huit personnes surprises à se baigner dans la rivière «comme Dieu les avait faites, toutes nues et sans pudeur». Beaucoup de jeunes, lorsqu'ils sont repérés, se jettent dans le fleuve et périssent, emportés par le courant, pour éviter les trois mois de prisons institués en 1742.
      Apparaissent alors les «bains du peuple», recouverts d'une grande toile pour ne pas blesser la décence publique. Ceux-ci sont, hélas, si crasseux que les Parisiens préfèrent se baigner la nuit dans les lieux interdits.
      La pudibonderie du XIXe siècle aura besoin de nouveaux lieux d'intimité, les salles de bain.

      Au bain : l'intimité partagée.
      Depuis les thermes privés des villas romaines, le goût des ablutions à domicile n'a pas quitté l'Occident. Le Moyen-Age aime les voyages : le bain est la première politesse due à un hôte. La pudeur semble, au départ, absente de cette politesse. En château comme en chaumière, la salle de bain n'existe pas. Aucune intimité n'est prévue : la cuve est portée dans la chambre et une planche, jetée en travers, sert de table pour une collation. Cette pratique du bain public est conviviale, ludique mais n'a aucun rapport avec l'hygiène. A partir du XVIe siècle et jusqu'au XVIIIe siècle, l'eau fait vraiment peur; elle s'infiltrerait dans le corps pour le corrompre, l'amollir, le fragiliser. Le bain extrêmement rare, n'est pris que pour raison médicale grave. Il faut plusieurs jours pour s'en remettre en restant prudemment au lit. Au XVIe siècle, on immerge rapidement les nouveaux-nés et on évite de renouveler cette pratique «dangereuse» ! Le futur roi Louis XIII ne prendra son deuxième bain qu'à l'âge de sept ans et Louis XIV n'en prendra qu'un, à titre de remède. Ce XVIIe siècle connaît une pudibonderie exacerbée; il faut attendre le siècle suivant pour retrouver la convivialité de la baignoire. Les grands y reçoivent aussi bien que sur leur chaise percée ou dans leur lit, mais uniquement des gens de condition inférieure, car la pudeur est alors hiérarchisée. Ce sont surtout les femmes qui aiment tenir salon dans leur baignoire, car le temps leur paraît bien long. Pour préserver une certaine pudeur, l'eau du bain est troublée par un pinte de lait. Des baignoires munies de couvercles permettent de sauvegarder du même coup la décence et la chaleur de l'eau. Bien sûr, avec un valet ces précautions ne sont pas de mise. Longchamps, serviteur dans sa jeunesse de Voltaire et de Madame du Châtelet, se plaint de n'avoir été pour cette dernière «ni plus ni moins la bouilloire qu'il avait à la main» : ému de devoir verser l'eau chaude entre les jambes de la marquise, qui n'a pas pris la peine de troubler l'eau, il manque de l'ébouillanter en voulant détourner la tête !

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      Du paraître à l'intimité…
      Le bain reprend donc son essor dans l'aristocratie. Le naturel commence à apparaître comme plus sain que les couches de poudres blanches et les perruques (pourtant symboles de propreté) dont se parent les aristocrates depuis le XVIe siècle. Il y a querelle entre les anciens et les modernes. Ces derniers se moquant de leurs aînés figés dans leurs artifices. C'est au XIXe siècle que naît le mot «hygiène».

      Quand l'habit fait l'hygiène.
      Mais avant cela, «pour remédier à la puanteur des aisselles qui sentent le bouquetin, il est singulier de oindre et frotter la peau avec trochique de roses» : par peur de l'eau, la toilette sèche devient la norme. On s'étrille avec le linge, sec, souvent parfumé. Les personnes sont couvertes de vermine et croient qu'elle est produite par le corps lui-même, en fonction de ce qui est mangé. Le bon goût en la matière consiste principalement à ne pas partir en chasse de ces parasites à table et à changer de vêtements. L'épouillage de son prochain marque la tendresse qu'on lui porte !
      Jusque là, on porte une chemise invisible sous l’habit, et dont on ne change jamais. Puis, à partir du milieu du XVe siècle, la chemise va commencer à dépasser l'habit. Alors progressivement, c'est la blancheur du linge qui va signifier la propreté. Se laver consiste donc à passer une chemise propre et très blanche. On se félicite de cette pratique raffinée bien plus propre que les étuves du Moyen-Age ! Parallèlement, le parfum s'impose de plus en plus comme un purificateur d'air.

      Au lit : sans chemise sans pyjama.
      Au Moyen-Age, le mari, la femme, les enfants, mais aussi les serviteurs, voire les étrangers de passage, partagent des lits immenses. Et la plupart du temps, ils ne se parent pour la nuit que de seule nudité, et d'un bonnet de nuit.
      Comment procédaient nos ancêtres ? La réponse ne saurait être unique et doit tenir compte aussi bien des époques que des catégories sociales.
      Le seigneur commence par enlever ses vêtements, qu'il suspend à une sorte de porte-manteau, à savoir une tringle enfoncée dans le mur. Mais c'est seulement une fois dans le lit qu'il ôte sa chemise. Il la met sous l'oreiller et peut ainsi la reprendre avant de se lever. Il est probable que chez les paysans, le coucher se déroule de façon plus succincte.
      Le lit médiéval ressemble fort au lit contemporain. Il comporte trois éléments : le bois du lit; le lit proprement dit, ce qui correspond plus spécialement à notre literie; enfin les étoffes qui, disposées autour et au dessus du lit, protègent le dormeur des regards indiscrets, de la lumière ou des courants d'air. Il n'est pas rare de trouver des lit faisant une largeur de près de trois mètres cinquante ! Une lettre de rémission datant de 1398 , trouvée dans les archives d'Artenay rapporte l'anecdote suivante : «Jean Jourdain, couturier établi à Artenay, voit venir dans son échoppe un jeune anglais nommé Guillemin, ouvrier couturier de passage en la cité. Jean Jourdain l'embauche. Le lendemain, comme un ouvrier qui a hébergé Guillemin la nuit précédente refuse de le recevoir à nouveau, Jean Jourdain l'emmène chez lui et le fait coucher dans son lit avec sa femme déjà endormie, lui-même se trouvant au milieu. Pendant la nuit, Guillemin veut violer l'épouse qui se défend, lui donne un coup de poing et quitte le lit pour aller chercher une chandelle. Comme Guillemin parvient à éteindre celle-ci, la femme se met à crier. Son mari s'éveille, se lève et agrippe Guillemin qui doit lâcher l'épouse. Finalement, en se défendant, Jean Jourdain tue le jeune anglais.»

      La fin du Moyen-Age voit se développer la recherche de l'intimité. Dans les demeures seigneuriales, la chambre où l'on dort se distingue du «salon-salle à manger». Et si, dans les maisons paysannes, la partie centrale est composée de la cuisine, on couche dans les pièces attenantes, ou situées au premier étage. Ainsi, coucher à plusieurs est souvent ressenti comme une obligation. Ceux qui en ont la possibilité préfèrent dormir seuls ou avec une personne choisie ; même si parfois un domestique occupe une couchette dans la chambre du maître.

      Le vêtement
      Durant ce siècle, selon les époques de la vie, et selon le rang social, les étoffes et les couleurs sont imposées. Les pauvres et les curés vivent en haillons faits dans un tissu raide et grossier, emmitouflés l'hiver dans de gros manteaux de laine, des chiffons autour des pieds. Ils marchent pieds nus, en sabots. L'été, ils chaussent des sandales.
      Les costumes ordinaires sont noirs, gris ou violets. Les paysans s'habillent en bleu, les enfants de moins de 7 ans en blanc, les jeunes filles en bleu ciel.
      Les jupes des femmes touchent le col car on ne doit pas voir leurs chevilles.

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      Le village, la paroisse.

      Si la famille légitime est la cellule de base de la société traditionnelle, elle s'inscrit aussi dans une paroisse; communauté d'habitants exploitant un terroir, reconnue légalement comme une personne morale pouvant, par exemple, ester en justice, rassemblée autour de l'église, d'un curé ou d'un seigneur. L'influence de la paroisse sur la famille est multiple : elle réglemente les rapports quotidiens, dans une relation de type solidarité-surveillance.

      La paroisse correspond géographiquement à un territoire limité, parfois borné. Mais un village ne forme pas nécessairement une paroisse ; les divisions territoriales sont souvent plus compliquées et une paroisse peut regrouper plusieurs villages, hameaux et écarts.
      Témoins privilégié de la vie intime de la paroisse, le curé participe aussi à l’assemblée des habitants ; outre ce dernier, on y rencontre le bailli du seigneur, quelques artisans et laboureurs aisés. La communauté est en principe représentée par un syndic, le plus souvent un paysan investit de la confiance de tous. La paroisse est d'abord une unité de survie économique. Ces réunions ont parfois lieu à l’église ou dans une chapelle, souvent à la sortie de la messe, sur la place ou éventuellement au moulin ou au cabaret. On y débat d’administration locale : désignation du maître d’école, de la sage-femme, des bergers, des gardes-vignes, des relations avec le seigneur, du budget, des procès, des règlements de culture, de la répartition des eaux d’irrigation, des dates de vendanges et de moisson, des prêts des bêtes de traits pour le labour ou le transport, des «prières pour obtenir la pluie ou la fin des gelées.»
      Autant de sujets qui sont prétextes à querelles, d’autant que les paroissiens doivent participer à l’entretien, à la réparation, à la décoration de l’église et de ses bâtiments annexes, mais aussi au paiement du maître d’école. Charges lourdes qui entraînent souvent l’endettement de la paroisse.

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      Une paroisse de nos campagnes


      Un village ordinaire possède une église, un moulin à eau ou à vent, un puits et une place où jouent les enfants et où l'on punit les petits voleurs. A l'exception des régions où la pierre est abondante, les maisons sont faites de colombages. Les toits sont en chaume ou en rousseaux. Le village est bâtit près de la rivière pour faire tourner le moulin à eau. La paroisse est aussi une unité de défense et de protection, contre les brigands, les soldats, le seigneur parfois trop gourmand d'impôts, ou simplement l'étranger, qu'il soit arrivé de la veille, ou installé depuis dix ans. Le tocsin prévient les travailleurs éparpillés de venir se réfugier rapidement au village. En temps de guerre, les cités ou villages assiégés risquent d'être affamés. Cette menace de la faim persiste même en temps de paix, car les villes et villages sont mal ravitaillés. Leurs habitants doivent faire face à deux dangers : celui de l'incendie et celui de l'épidémie. En effet, il n'existe pas d'égouts et rares sont les pavés.

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      Meurtres de villageois et de paysans.
      La fureur des soldats incontrôlés et non payés s’exerce au détriment des pauvres gens.


      Enfin la paroisse est tissée de réseaux familiaux s'inscrivant dans une vie publique, scène de théâtre où se jouent des questions de prestige, d'honneur, d'argent ou de pouvoir local. La plupart des communes sont de taille réduites : 75 % des paroisses comptent moins de 300 feux, approximativement 1500 personnes; c'est dire si tout le monde se connaît ! L'auto-surveillance des populations rurales est une des données de base de la vie quotidienne de jadis. Le village est responsable de l'inconduite de ses habitants. Chacun s'observe et s'épie ; aussi bien les femmes (au puits, au lavoir, chez la voisine pour emprunter un ustensile) que les hommes (au cabaret ou aux champs). Liens villageois et «qu'en dira-t-on» sont très forts. De plus, l'opinion publique tient les oncles et les tantes responsables de la conduite de leurs neveux et nièces.
      Des petites phrases assassines -»que vont dire les voisins, que vont dire les cousins,»- ont dû bien souvent influencer les comportements… A n'en pas douter, la paroisse a son mot à dire sur le mariage de ses membres, ce qui lui permet d'être garante de la stabilité familiale, ainsi que de la cohérence, de la continuité et de la permanence de la communauté.

      Le groupe de la jeunesse.
      Après le curé et la paroisse, il existe un autre gardien des normes sociales : le groupe de jeunesse, qui intervient lors des mariages, remariages, choix d'un conjoint, mais aussi à divers moments dans la vie des couples. Ce groupe constitué de jeunes hommes en âge de se marier est structuré. Il a à sa tête un «abbé de la jeunesse», sorte de chef durant un an ou deux, chargé d'organiser les fêtes publiques et entre autres, les charivaris.
      La crainte du célibat est probablement l'une des craintes majeures de ces jeunes. Sauf religieux, le célibat est mal vu, voire honteux, et réprouvé par la communauté; par conséquent, il est redouté. Rester célibataire signifie ne pas pouvoir s'établir à son compte, avec l'aide d'une épouse. Un célibataire continue à vivre en domestique chez son père ou chez autrui.
      Au XVIIIe siècle, le recul de l'âge du mariage, pour des raisons économiques, entraîne une attente prolongée pour les jeunes célibataires. Ils doivent alors, à la fois, attendre de se marier et en même temps, se réserver une fille afin de ne pas rester célibataire. C'est pour ces raisons d'ordre socio-économiques que ce groupe intervient dans le domaine du mariage : le lot des filles à marier étant limité, les garçons de la paroisse prétendent exercer une sorte de monopole et un droit de regard sur les alliances en cours de tractation, afin de préserver leur droit à accéder à cet état honorable.
      Si le nombre de filles mariables est inférieur à celui des partis possibles, l'avenir des hommes à marier est remis en cause, à chaque fois qu'un veuf, ou un étranger, vient prendre une fille dans le lot des «disponibilités» locales, restreignant ainsi les chances des célibataires de trouver une épouse. Aussi s'en prennent-ils plus particulièrement au veuf qui se remarie et à tout «étranger» (serait-il du village voisin!) venant un peu trop souvent rôder autour d'une ferme de chez eux.

      En tant que gardien de la coutume et des normes, le groupe de jeunes va, en cas de désapprobation collective, exprimer l'opinion publique de la paroisse. La communauté peut être hostile à une mésalliance entre un gentilhomme et une roturière, à un veuf trop vieux ou à une veuve dont le temps de deuil est jugé trop court, à la différence d'âge trop importante entre époux… .

      Le Charivari
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      .

      L'expression de la réprobation n'est pas systématique et dépend, entre autres, du statut social des promis. Non seulement les jeunes sanctionnent les mariages mal assortis mais aussi tous les délits contre la loi matrimoniale, l'autorité et l'honneur de l'époux : le mari battu par sa femme, le mari trompé et passif. Tout mari soumis par sa femme est rappelé à «l'ordre» social par le groupe des jeunes, qui a le droit de juger le délit d'adultère ou les délits sexuels, et constitue une sorte de police morale du village.
      La réprobation s'exprime diversement par des usages plus ou moins odieux. Le simple déviant, montré du doigt, moqué, brimé, soumis au ridicule et au jugement collectif, peut être exclu ou banni. Le mari «trompé, battu et content» est sanctionné par la «chevauchée des cocus» ou «cortège des ânes» : l'homme, placé à l'envers de l'âne, promené à travers le village, parfois nu, est livré à la risée des dames. En cas d'adultère, on trace, pendant la nuit, un chemin de paille entre les deux maisons de ceux que l'on suppose fautifs.
      Le groupe juvénile reste fondamental pour exclure des déviants et maintenir la cohésion de la communauté.

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      Rites et croyances.

      Tout ce que nos ancêtres ne peuvent expliquer, reste du domaine des diables et des démons, telles les comètes.
      La peur est le sentiment le plus répandu. La courte durée de vie, sa fragilité devant les accidents ou les «fléaux de Dieu» (guerre, famine, peste), le climat général d'insécurité, engendrent un état d'esprit d'homme traqué. Peur des revenants, des ténèbres, de Satan, du sorcier, de l'au-delà, de l'enfer, de la guerre, de la faim, de la peste, de l'autorité, de l'étranger, du nouveau et de l'inconnu en général. L'idéal du paysan est stabilité. Le changement est suspect; l'ancien est toujours meilleur. La nature constitue un univers hostile où de nombreux éléments demeurent encore inconnus.
      La foi de nos ancêtres, ignorants de notre science, s'ancre dans des croyances anciennes. Ils raisonnent souvent selon des modalités pré-cartésiennes. Le ciel, météorologique et théologique, est un seul et même concept. Les orages sont interprétés en fonction d'intentions divines supposées, par exemple punitives. Le tonnerre manifeste la réprobation divine, d'où de nombreuses procédures pour s'allier les bienfaits de la nature et de Dieu. Dieu et diable sont partout. Cet état d'esprit est autant individuel que collectif : lors des travaux agricoles, une communauté d'habitants peut commander des messes pour la pluie ou son arrêt, pour la fin des gelées ou d'une trop forte chaleur.
      Le peuple est soucieux de gestes et rites salvateurs. Le culte des saints est une des pratiques les plus populaires, en particulier celui des saints guérisseurs. D'autres pratiques sont nettement d'origine païenne, antique ou moyenâgeuse. Si certaines recettes médicales (poudre d'os prise à telle lune…) sont contestées par notre science d'aujourd'hui, d'autres en revanche pouvaient se montrer efficaces. Par exemple, l'utilisation des toiles d'araignées pour soigner les blessures : de récente recherches ont montré qu'elles contiennent de la pénicilline.
      Nos ancêtres évoluent dans un autre univers mental, relevant de la pensée magique et ayant sa propre cohérence de fonctionnement, différente de la nôtre.

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      La question de l'eau – XVIe siècle



      Le Pouvoir de l'Eglise est à son comble, l'intolérance religieuse est flagrante. Il faut attendre 1764 pour que Voltaire s'insurge et s'engage publiquement à prouver des erreurs judiciaires commises par l'Eglise. Les archives communales d'Hesdin, Pas-de-Calais, nous livrent un document traitant du procès de Mariette WANTIEZ dite «ALOCQUES», exécutée par le feu «pour crime de sortilège» en date du 8 mai 1612 . Il est très rare par ailleurs de trouver trace de pièces de procès, celles-ci étant brûlées en même-temps que la sorcière.
      L'accusée a été condamnée à la «question ordinaire», et dû subir l'application des brodequins – sorte de botte de fer percée de trous dans lesquels le bourreau enfonce des pointes pour briser les os des jambes, ou l'ingestion de l'eau. Si elle avait été soumise à la «question extraordinaire», ses supplices auraient été : l'élongation sur une table spéciale, qui pouvait conduire au déchirement des membres, ou des brûlures au plomb fondu. Mais notre infortunée Mariette, après les tortures subies fait appel de cette condamnation auprès du Conseil d'Artois; elle est conduite à Arras pour y être entendue, et en diverses localités pour y être confrontée à certains témoins. Elle est examinée par un chirurgien qui lui «raze le poil» (sans doute pour découvrir d'éventuelles marques diaboliques sur le corps); reçoit «ung nouveau acoustrement complet», c'est-à-dire des vêtements neufs, preuve qu'elle doit être mal habillée, comme le laisse supposer son surnom «Alocques» (vêtue de loques, déguenillée); après avoir été plusieurs fois torturée par le bourreau d'Arras, elle est finalement exécutée par celui de Saint-Omer. Son corps, est-il précisé, se détache du poteau en brûlant sans être entièrement consumé, de ce fait ses restes sont enterrés à la voirie (cimetière).
      Mariette était manifestement une pauvre femme, mendiante de surcroît. Cela explique l'audition de nombreux témoins de divers localité situées en Artois et en Picardie («Pays de France»). On imagine facilement cette mendiante déguenillée parcourant la campagne pour mendier son pain et menaçant de jeter un sort aux villageois qui refusent de lui en donner.

      L'accusée a été condamnée à la «question ordinaire», et dû subir l'application des brodequins – sorte de botte de fer percée de trous dans lesquels le bourreau enfonce des pointes pour briser les os des jambes, ou l'ingestion de l'eau. Si elle avait été soumise à la «question extraordinaire», ses supplices auraient été : l'élongation sur une table spéciale, qui pouvait conduire au déchirement des membres, ou des brûlures au plomb fondu. Mais notre infortunée Mariette, après les tortures subies fait appel de cette condamnation auprès du Conseil d'Artois; elle est conduite à Arras pour y être entendue, et en diverses localités pour y être confrontée à certains témoins. Elle est examinée par un chirurgien qui lui «raze le poil» (sans doute pour découvrir d'éventuelles marques diaboliques sur le corps); reçoit «ung nouveau acoustrement complet», c'est-à-dire des vêtements neufs, preuve qu'elle doit être mal habillée, comme le laisse supposer son surnom «Alocques» (vêtue de loques, déguenillée); après avoir été plusieurs fois torturée par le bourreau d'Arras, elle est finalement exécutée par celui de Saint-Omer. Son corps, est-il précisé, se détache du poteau en brûlant sans être entièrement consumé, de ce fait ses restes sont enterrés à la voirie (cimetière). Mariette était manifestement une pauvre femme, mendiante de surcroît. Cela explique l'audition de nombreux témoins de divers localité situées en Artois et en Picardie («Pays de France»). On imagine facilement cette mendiante déguenillée parcourant la campagne pour mendier son pain et menaçant de jeter un sort aux villageois qui refusent de lui en donner.

      *****************



      Les années de misère.

      Les années ne sont hélas, pas toutes semblables. Après des années d'opulence moyennes succèdent des années de misère. Au travers les archives, l'on peut découvrir le taux élevé de mortalité dû aux intempéries qui provoquent la famine dans les campagnes et les villes. Les enfants et les personnes âgées sont les plus touchées. Le taux de mortalité infantile est parfois supérieur à 70 % dans certaines régions. Nous évoquerons dans un chapitre suivant un menu de fête. Il en est un, tout autre, qu'évoque Jean Chapelon en 1691. Ce prêtre a mis en vers la triste litanie des nourritures dont doivent se contenter ses contemporains durant la famine :

      Croiriez-vous qu'il y en eut qui, à grands coups de couteau,
      Ont disséqué des chiens et des chevaux,
      Les ont mangés tout crus et se sont fait une fête
      De faire du bouillon avec les os de la tête.
      Les gens durant l'hiver n'ont mangé que des raves
      Et des topinambours, qui pourrissaient en cave,
      De la soupe d'avoine, quelques trognons de chou
      Et milles saletés qu'ils trouvaient dehors,
      Jusqu'à aller les chercher le long des Furettes*
      Et se battre leur soûl pour ronger les os.
      Les boyaux des poulets, des dindons, des lapins
      Etaient pour la plupart d'agréables morceaux.

      * Marché aux bestiaux.
       

      «Voici qu'arrive les troupes pour les quartiers d'hiver… Ils s'en vont chez les paysans, les volent, les dépouillent… Ils mirent l'autre jour un petit enfant à la broche (…)»
      Lettre de Mme de Sévigné, extrait.

      Triste repas pour un « sans-le-sou ». Mais au fait,

      Qui sont ces gueux ?
       

      Quand un paysan ne peut payer ce qu'il doit, il est condamné par un tribunal à être expulsé de sa chaumière. Avec sa famille, il erre de village en village à la recherche de travail et devient un vagabond ou gueux.
      S'il ne trouve pas d'emploi comme bûcheron ou ouvrier agricole saisonnier, il essaie de s'installer dans le faubourg le plus pauvre d'une ville; il cherche alors à se louer comme manœuvre ou à pratiquer un «petit métier».
      Les vagabonds sont parfois contraints d'abandonner leurs enfants pour les obliger à mendier eux-mêmes leur nourriture. Beaucoup de bébés sont déposés aux portes des églises par des mères qui ne peuvent les élever. (cf : chapitre - lorsque l’enfant grandit)
      Les gueux sont pourchassés par les sergents de la maréchaussée; les handicapés, les femmes et les enfants sont enfermés dans des hôpitaux généraux où ils sont souvent contraints à des travaux forcés. Les hommes valides sont condamnés à ramer sur les galères ou obligés de s'engager dans l'armée.

      Les gueux parcourent la campagne

       

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      Durant ces deux années 1693-1694, près de 1,7 millions de Français trouvent la mort. Autant que durant la première Guerre mondiale mais pour une population deux fois moindre. Les malheureux se jettent dans les champs sur le blé encore vert et le dévorent : il faut instituer un système de surveillance des récoltes. Quand toutes les céréales sont épuisées - le froment, le seigle, l'avoine après le blé -, les pauvres se trouvent réduits à recueillir les glands ou les fougères pour en faire une sorte de pain. Ces «méchantes herbes» achèvent de ruiner la santé de ces malheureux, qui enflent après y avoir eu recours.

      Les orties, les coquilles de noix, les troncs de chou, les pépins de raisin moulus n'ont pas meilleur effet. Les bêtes ne sont plus nourries et meurent avant les hommes : les charognes de chiens, de chevaux et «autres animaux crevés» sont consommées en dépit de leur état de pourriture. Des sources mentionnent des cas de suicide et d'autres, plus rares, d'anthropophagie. C'est la grande purge des miséreux que la cherté du pain jette sur les chemins pour y mendier et qui meurent au hasard de leur errance.
      Durant tout l'été 1694, la chaleur, qui accélère la putréfaction des milliers de cadavres sur les chemins, est responsable de graves épidémies. La typhoïde, notamment, propagée par l'eau et les aliments souillés, achève ceux qui ont réussi à se nourrir un peu. Les organismes affaiblis, sont moins féconds : la natalité, loin de compenser le nombre de morts, fléchit durant tous ces mois.

      D'autres fléaux s'abattront sur le pays, notamment une effroyable épidémie de peste, qui partie de Marseille en juin 1720, traversera le sud du pays causant des milliers de morts. En août 1720, ce sont 500 personnes par jour qui périssent.
       

      La dernière peste d'Occident

       

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      Quarante mille morts, simplement à Marseille



      Tout à commencé le 20 juin 1720, dans la sombre rue Belle-Table, une pauvre femme du nom de Marie Dauplan s'effondre, une pustule noire au coin de la lèvre. Une mort anonyme parmi beaucoup d'autres. Nul ne songe que vient de tomber la première victime d'une effroyable épidémie. La peste fait son entrée à petit bruit. En juillet les premiers cas se multiplient. Les propos de F.Rebuffat ont été recueillis :

      Dès lors on ne trouvait plus d'asile assuré et inutilement faisait-on des pas pour éviter le danger qu'on rencontrait partout; il n'y eu pas d'autre parti à prendre que de crier miséricorde au Seigneur en se préparant à la mort (…). On entendait toutes sortes de plaintes, des douleurs de tête et dans toutes les parties du corps, de cruels vomissements, des tranchées dans le ventre, des chardons brûlants et toutes les autres suites de ce terrible mal.(…)
      La plupart des malades étaient obligés de se coucher dans la rue qui, longue de cent-quatre-vingts toises et large de cinq, a été pourtant couverte de malades pendant fort longtemps, et leur nombre en était si grand qu'on ne pouvait sortir des maisons sans leur passer sur le corps.(…) On en voyait tomber par défaillance près du ruisseau et n'avoir pas la force de s'en retirer. D'autres pressés par la soif, s'en approchaient pour y penser et rendaient leur âme au milieu des eaux.(…) Les vapeurs malignes qui sortaient des maisons où il y avait des cadavres pourris, celles qui s'élevaient de toutes les rues pleines de matelas, de couvertures, de linges, de haillons et de toutes sortes d'ordures qui croupissaient depuis quelque temps, l'odeur puante et cadavéreuse des morts et des malades qui remplissaient le pavé donnaient lieu d'appréhender que l'air même ne devienne contagieux.

      Dans les registres de Givry en Saône-et-Loire, datant du début de la guerre de Cent ans, on trouve en 1348, date de la terrible épidémie de peste noire qui fait disparaître en quelques mois entre un tiers et la moitié de la population européenne, une liste nominative des décès. En trois mois, on la voit faire enfler démesurément le nombre des décès, passant de 11, en juillet 1348, à 110 en août et 303 en septembre ( soit 592 décès pour une population de 1400 âmes) ! A noter qu'après avoir indiqué de la main 3 décès le 19 novembre, le vicaire s'arrête brutalement de tenir le registre, qui, de ce jour, reste blanc… Comme s'il avait, à son tour, succombé au mal….

      La peste est provoquée par un virus dont le rat est porteur sans en être lui-même affecté. Il se transmet à l'homme par un parasite commun aux deux espèces : la puce. La maladie prend deux formes : peste bubonique et peste pulmonaire. Dans la première, des taches noires apparaissent sur le corps au niveau des ganglions et enflent enmême temps que la fièvre monte. La mort ou la guérison survient trois jours après l'apparition des premiers symptômes.
      Sous cette forme la maladie est mortelle dans 70 % des cas. La peste pulmonaire s'attaque aux voies respiratoires et est mortelle dans 100 % des cas. C'est sous cette seconde forme qu'elle est la plus contagieuse. Il suffit, en effet, d'inhaler les particules liquides que produit naturellement la respiration du malade pour être contaminé. En bref, le simple fait d'être dans la même pièce qu'une personne atteinte équivaut à une condamnation à mort.

      D'autres maladies font des ravages, outre la terrible variole, la diphtérie et le typhus, la dysenterie fauchent les populations. Durant l'été de 1779, tout l'ouest de la France est frappé par une vague de dysenterie qui fait 175 000 morts en quelques semaines. Chaque jour, les parents portent en terre l'un de leurs enfants avant de mourir à leur tour.
      Ces même épidémies apparaissent régulièrement; Dans le Loiret, en 1701, près de 25 % de la population de deux villages est décimée. Dans le Nord de la France, ce sont sept membres d'une même famille sur huit qui, en 1751, périssent en l'espace de dix jours. Seule une petite fille survit.

      Seule solution à ces terribles fléaux, procréer, encore et toujours afin de repeupler les villes et paroisses décimées.
      Mais avant cela il est un passage obligé, les fiançailles suivies du mariage….

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      L’histoire du Mariage
      Quand les fiançailles valaient mariage.
      Un échange de regard au pied d'un escalier… Qui sont-ils ? des amants ? des conjoints ? ou bien simplement… des fiancés ? Les fiançailles, autrefois, ont été en effet largement permissives, pour des raisons qui choquaient les uns et arrangeaient les autres.

      Historique.
      Les fiançailles qui constituaient une originalité du mariage romain, n'existaient pas dans les autres systèmes de mariage de l'Antiquité. Elles étaient ignorées au haut Moyen Age. Avant le XIIIe siècle, simple accord de volontés, les fiançailles ne requièrent aucune forme. La bénédiction des fiancés n'apparaît en Occident qu'après ce siècle.
      La remise d'un anneau à la fiancée, vieille tradition païenne, est conservée par les chrétiens. Les fiançailles sont célébrées par une cérémonie solennelle, soit à la maison, soit à l'église.
      Dans tous les milieux sociaux, elles sont, quoiqu'il en soit, tenues pour un engagement sérieux.

      Mœurs.
      Dans la pratique, les fiançailles permettent de «fleureter», de «mugueter». Les milieux populaires sont fidèles à certains impératifs ou tabous, peu liés au christianisme. L'une des pratiques, consiste notamment à vérifier, avec l'accord des familles, la fécondité du jeune couple, qui est l'une des finalités du mariage. Ce n'est donc pas un inconvénient de cohabiter tout de suite ensemble, de consommer le mariage avant l'accomplissement des formalités définitives.
      Aussi, jusqu'au XVIIe siècle, chez les paysans, les fiançailles peuvent être l'occasion de se mettre en ménage sans attendre. Les fiançailles passent pour mariage, lorsqu'elles sont suivies de l'accouplement des parties avec l'affection conjugale, c'est-à-dire avec l'intention de consommer le mariage.

      Thomas Sanchez, jésuite espagnol conclut en 1602 «je tiens pour certain que ce n'est pas péché mortel de consommer avant les bénédictions à l'église (…) et je tiens pour probable (…) que ce n'est même pas véniel. Bien plus, je crois que c'est quelquefois un sage conseil de le consommer avant les bénédictions, lorsqu'il y a péril d'incontinence».
      La communauté ancienne ne se formalise pas de ces privautés prénuptiales, «maraîchinage» ou autres «cache-cache Nicolas» pouvant aller jusqu'à la cohabitation, encore qu'elle n'ait pas toujours été sexualisée. Lorsque les jeux entre futurs vont trop loin, ils aboutissent à des conceptions prénuptiales, lesquelles, à l'époque classique, sont relativement modérées, allant de 4 à 7 % des conceptions selon les régions. La «faute» apparaît mince à beaucoup, considérée comme un acompte au civil, mais péché mortel au religieux. La morale sociale les tolère cependant, dans la mesure où le mariage vient à temps régulariser la situation, mais l'Eglise, obsédée par l'idée du péché, les refuse.

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      Le temps des fiançailles, en tout cas, est celui du flirt.

      Du flirt autorisé et approuvé :

      le temps de la donation des corps…

       

      Réactions de l'Eglise.
      Pour toutes ces raisons, l'Eglise n'aime pas les fiançailles et dicte une modification des habitudes anciennes, au détriment des gestes festifs et superstitieux. Elle impose une discipline aux fiançailles qui sentent trop le paganisme et s'efforce de les christianiser le plus possible. Curés, prédicateurs, directeurs de conscience, tonnent dans les paroisses, en chaire, dans les catéchismes, contre ces mauvaises habitudes.
      L'Eglise exige que les fiançailles soient dites par le prêtre et en présence de deux témoins. Cette exigence se concrétise par une décret en 1563. Les bans deviennent obligatoires.

      Evolution des fiançailles.
      Progressivement les évêques déconseillent les longues fiançailles. Ils obtiennent que l'on rapproche leur date, donc celle de la publication des bans de celle de la bénédiction nuptiale. Ce délai accordé de 40 jours, sans prolongation possible, diminuent ainsi les risques de relations entre fiancés avant la conclusion du mariage (péché mortel).

      Rupture de fiançailles.
      Les fiançailles peuvent être rompues par un consentement réciproque, absence prolongée de trois ans, ou peine infamante. Une rupture est accompagnée d'un accord financier entre les deux familles, sous peine de procès. Mais l'une des difficultés pour les tribunaux ecclésiastiques, reste l'absence de forme officielle de fiançailles. D'où l'intérêt de les rédiger par écrit. Leur rupture entraîne, une faute, un péché, et entraîne la réparation du préjudice subi par l'un des fiancés. De tels procès ne sont pas rares. En cas de rupture de fiançailles, pas question pour le frère ou le cousin du fiancé, de prendre femmes parmi les parentes de la jeune fille d'avec qui il vient de rompre.

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      Après les vendanges, l'automne est souvent le temps des réjouissances et des flirts, en préparation des mariages d'hiver, célébrés avant le Carême

       

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      Le Mariage

      Sous l'Ancien Régime, deux personnes souhaitant se marier doivent vérifier que leur union n'est pas interdite par l'Eglise, ce qui est le cas :
    • Lorsqu'elles sont parentes par le sang, jusqu'au 4e degré canonique (génération des petits-enfants des cousins germains), situation les obligeant à obtenir une dispense de consanguinité.
    • Lorsque l'un des futurs époux est apparenté dans les mêmes limites avec le conjoint pré-décédé de l'autre dispense pour affinité de parenté.
    • Moins fréquemment, en conséquence d'un lien de «compérage», notamment lorsque l'un d'eux a été le parrain (ou marraine) des enfants issus d'un précédent mariage de l'autre dispense pour affinité spirituelle.
      Dans tous ces cas, les futurs époux établissent une demande, très coûteuse de dispense, directement en cour de Rome, s'ils sont parents au 1er ou 2ème degrés, ce qui était très rare. La grande majorité des autres, se déclarent pauvres et hors d'état d'en faire les frais. Le curé intercède auprès du Tribunal du diocèse, qui diligente une enquête, interrogeant minutieusement les requérants et quatre témoins désignés. Il n'empêche que, malgré la rapidité de cette procédure, certains couples sont parfois tentés de se marier clandestinement. Dans le diocèse de Paris, il est de notoriété publique que les mariages clandestins se font à St-Germain-en-Laye, les futurs y trouvant facilement un prêtre ou un moine vagabond qui les bénissent moyennant une coquette somme; il en est de même pour la paroisse du Moulinet-sur-Solin dans le Loiret.
      Tous les arguments sont valables pour obtenir une dispense; tels ces requérants qui «se sont promis la Foi, et se recherchent et se fréquentent dans cette vue depuis environ un an, aux vu et su de leurs parents respectifs. La requérante serait grièvement déshonorée et ne pourrait trouver à se marier, car il s'élève des bruits nuisibles à sa réputation selon lesquels la requérante serait enceinte des œuvres du requérant

      Voici relaté le chemin sinueux qu'ont parcouru Louis Chollet et Marguerite Guiller de Boiscommun, au début du règne de Louis XIV, sous le gouvernement de Mazarin. Les troubles de la Fronde sont venus chagriner notre Gâtinais, mais on n'oublie pas pour autant, malgré la crainte de ces troupes qui traversent notre région, de convoler en justes noces.
      Nos deux futurs époux s'adressent à «Monseigneur l'Illustrissime Archevesque de Sens primat des Gaulles et de Germanie». Ils déclarent «qu'à cause du peu de biens et fortune que leur père et mère possèdent et de la petitesse dudit lieu qu'ils habitent, ils ne peuvent trouver de partyes qui leur seront sortables pour contracter mariage autre qu'icelluy».
      Avec «le consentement de leur père et mère et autres parents ils ont le désir de contracter ensemble mais attendu qu'ils se trouvent conjoints au troisième degré d'affinité, ils ne peuvent le faire sans dispense légitime.»
      Par commandement par l'Archevêque de Sens en date du 6 décembre 1655, le doyen de la Chrétienté au district du Gastinois est commis pour ouïr les suppliants. En ce 21 décembre de l'hiver 1655, Nicolas Boiscourjon, curé de Girolles est chargé de mener l'enquête. Il se transporte à Boiscommun éloigné de près de 8 lieues. Sont convoqués pour la circonstance, Jehan Poisson, marchand âgé de 49 ans, Gilles Benoist, tissier drapier et marchand âgé de 32 ans, Jehan Lucet, marchand âgé de 35 ans et Jean Ragobert, chapelier âgé de 44 ans. Tous ces «témoings produits» sont de Boiscommun et connaissent parfaitement la parentèle des deux suppliants. Chacun déclare en effet qu'il «cognoit les partyes» et exception faire de Jean Ragobert, qu'il n'est d'eux, «ny parent ny allié».(…) Il est alors conclu «qu'il n'y a autre chose qui puisse empescher la célébration du futur mariage».
      Le 25 décembre 1655, les deux futurs feront établir leur contrat de mariage par le notaire de Boiscommun.

      Ces dispenses ne sont pas aussi rares puisque les petites paroisses du XVIIIe siècles comptant moins de cinquante feux (familles), connaissent un taux d'endogamie* d'environ 65 % des mariages.
    • obligation de contracter mariage à l'intérieur de sa tribu.

      L'acte de mariage.
      Le Concile de Trente (1545-1563, lutte contre la réforme protestante), avait décrété la tenue de registres de baptêmes et mariages. Depuis 1667, le curé demande aux époux de signer le registre paroissial; à défaut, il inscrit des formules bien connues telles que : «Les parties n'ont pu scu signer pour être illitérés» ou bien encore «lesquels ont déclarés ne sçavoir signer de ce interpellés».
      Cette obligation de signer a permis de mesurer le taux d'alphabétisation. Savoir signer ne veut pas dire, savoir écrire; mais c'est déjà un critère d'évaluation pour compter ceux qui ne le savent pas du tout. Cette étude révèle les différences de l'évolution de l'alphabétisme, selon trois critères : fin XVIIe/fin XVIIIe, hommes/femmes, et Nord/Sud, suivant la ligne imaginaire entre Saint-Malo et Genève (Ligne Maggiolo*).
      * En 1877, Louis MAGGIOLO, recteur en retraite de l'Académie de Nancy, lance auprès des instituteurs de France une vaste enquête consistant à relever la proportion des époux ayant signé leur acte de mariage entre 1686 et 1876.

      Les statistiques sont les suivantes :

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      L'écart reste du simple au double, entre les hommes et les femmes, et entre la fin du XVIIe et la fin du XVIIIe siècle.
      Une autre différence culturelle apparaît en ajoutant le critère géographique, Nord/Sud, par rapport à la ligne Maggiolo, en moyennes arrondies.

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      Il apparaît donc que les hommes et les femmes du Sud sont défavorisés sur le plan de l'instruction. (paragraphe : quand la morphologie rejoint la culture).


      Les phases de la noce comprennent divers rites qui doivent assurer , sans heurt, sans coupure, le passage d'un état social à un autre, d'une classe d'âge à une autre, du groupe des célibataires à celui des adultes mariés. Ces rites du mariage visent donc à intégrer les protagonistes et à rendre public l'événement.

      Les registres paroissiaux contiennent des millions d'actes de mariage. Chacun concrétise l'un des évènements les plus importants, dans la vie des deux époux et de leurs familles respectives. Le mariage n'est pas une affaire individuelle, mais l'union de deux familles. Autant que les futurs époux, le mariage concerne la société toute entière.
      La longévité du mariage est un événement qu'il faut célébrer en ces temps difficiles. Tel cet acte sur Chemault.
      «Cejourd'huy quatorze février 1775 a été par moy curé soussigné a renouvellé et béni l'alliance faite entre Antoine BARREAU et Renée AUBERT sa femme epouze il y a 50 ans et ont eu douze enfants dont cinq de vivants».

      Mais avant cela, il y eut ….



      Les accordailles.
      Le père de Jeannot est venu «en visite» chez celui de Margot. Ils en savent tous deux la raison. Comment aborder le sujet lorsque les paysans, chiches en paroles, préfèrent le geste symbolique à la réponse directe ? Certainement pas par des mots. Le père en acceptant de recevoir la demande en mariage, le montre par des gestes rituels et symboliques, en relation avec le foyer, le ménage ou la nourriture. Il propose un verre de vin, de la viande, de la volaille, il tisonne le feu ou y ajoute une bûche, il offre la meilleure place. Il n'a pas besoin d'exprimer autrement son assentiment. Alors les négociations peuvent être entamées.
      L'accord entre les pères peut se faire à l'auberge ou à la ferme, mais toujours autour d'une cruche à vin. Si le père de Margot avait refusé Jeannot pour gendre, la réponse aurait été détournée. Plutôt que de refuser sa fille verbalement, il aurait recouvert de cendres les tisons du foyer, placé un ustensile à l'envers (poêle, marmite, assiette,…), ou offert au prétendant, un mets pauvre comme un œuf ou un verre d'eau.
      Le père ayant accepté; la «fréquentation» peut commencer. L'accord est parfois suivi d'une cérémonie, privée ou laïque, appelée les accordailles, auquel le futur époux remet un gage à la jeune fille, souvent une bague.
      Le jeune homme, une fois agrée, est autorisé à faire sa cour, ou encore, comme on disait joliment au XIIe siècle à «faire l'amour». Il rend visite à sa future, peut assister, en partie à sa toilette, lui tenir son miroir. La jeune fille est autorisée à sortir à son bras, mais ne doit pas pénétrer dans sa chambre, même s'il est malade.

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      Boira-t-il, boira-t-il pas ? Deux hommes devant une bouteille et deux verres, une femme en retrait : une mise en scène habituelle et rituelle, où la réponse passera par quelque geste symbolique…

      C'est une occasion de se réunir, boire et chanter, surtout dans le peuple. Des entrevues ont lieu, en présence de tiers, lors de veillées et à toutes sortes de retrouvailles communautaires, festives ou laborieuses. Chez les bourgeois, les jeunes gens ne sont autorisés à voir leur fiancées qu'en présence de leur future belle-mère, feignant de s'absorber dans un ouvrage de couture.
      Les «futurs» échangent des cadeaux, voire des billets, pour ceux qui savent écrire. Les cadeaux ont valeur d'engagement.
      Les archives nous livrent une liste de cadeaux offerts au XVIIe siècle par un fiancé : «une bague d'argent, une paire de boucles de souliers en cuivre argenté montée de diamant cristal, un mouchoir de cou en mousseline, un casaquin de toile de picot de fleurs, une jupe de siamoise à grandes et petites rayures; tous cela était très distingué (…) étant tout dans le nouveau goût».
      Ce fiancé n'appartenait certainement pas à la classe paysanne moyenne !
      Mais faire la cour à sa belle ne suffit pas. Encore faut-il plaire à toute la famille, rendre visite tout à tour aux oncles et tantes de la future, en commençant par le plus ancien.

      L'attente peut être longue…
      Le délai entre le moment où un conjoint est choisi, les accordailles, l'officialisation de l'intention du mariage et la publication des bans, dure jusqu'à ce que les futurs puissent s'établir. Plusieurs années parfois, si le couple ne peut, économiquement, disposer de ressources suffisantes pour nourrir une famille.
      Le plus souvent, un mariage est inscrit dans la paroisse de naissance de l'épouse, ou bien son lieu de résidence, même si elle n'y est pas née. C'est le lieu de résidence qui est officiellement considéré comme domicile. On acquiert domicile dans une paroisse au bout de six mois, si l'on vient d'une autre paroisse du même diocèse; au bout d'un an, si l'on vient d'un autre diocèse.
      Souvent l'épouse quitte le domicile paternel et s'installe chez son nouvel époux.

      *****************



      Quand se marier ?

      Rien n'est choisi au hasard, ni le mois, ni le jour. Il existe un calendrier liturgique du mariage, qui interdit de se marier pendant l'Avent et jusqu'à l'Epiphanie, pendant le Carême et jusqu'à l'Octave de Pâques. L'Avent commence le premier dimanche après le 26 novembre, jusqu'au 6 janvier inclus, soit près de 6 semaines. Le Carême est la période des 40 jours précédant Pâques.
      Ces périodes de deuil, de mortifications et d'abstinences ne doivent pas se prêter aux divertissements et il convient d'éviter les réjouissances publiques en temps de pénitence ou d'attente.
      Les dispenses ecclésiastiques de mariage sont possibles, pour les catholiques qui auraient «fêté Pâques avant Noël», à condition que les noces soient sans éclat et réjouissance.

      Il faut également tenir compte des travaux collectifs. A la campagne, on ne se marie pas pendant les gros travaux d'été, du 15 juillet au 15 août dans les céréaliers, jusqu'en septembre dans les pays de vignobles; même règle dans les grands ports pendant les saisons de pêches lointaines.

      Pour des raisons bien différentes, peu de mariage sont célébrés en mai, mois de Vénus; cela porte malheur de concevoir en mai et d'accoucher en février ( temps de carnaval) : un tel enfant est supposé naître fou ou idiot.
      En revanche, les mois précédant les périodes interdites, pour des raison religieuses, voient des pics dans la courbe des mariages. Juste avant les longues semaines de jeûne, c'est la «ruée aux autels», avec des maximums en novembre, janvier et février.
      Durant ces mois d'hiver, le travail des champs de relâche, les journées sont plus courtes, toutes les conditions sont favorables pour préparer la fête du mariage.

      Quel jour pour les noces ?

      Le jour de la célébration n'est pas, lui non plus, choisi au hasard. Dimanche et fêtes sont exclus, le curé ayant d'autres messes à célébrer. Vendredi, jour de la mort du Christ, est un jour de deuil et maigre : un repas de noces sans viande serait triste. Le jeudi est également boudé : «Le jeudi ferait les maris cocus», dit-on dans les évangiles. D'ailleurs dans le Berry, une mari trompé est surnommé «Jean Jeudi».
      Restent donc trois jours : de fait les études portant sur ce point ont montré la très grande faveur du lundi et du mardi.
      Une exception chez les protestants : la bénédiction du mariage est donnée juste après le culte dominical. L'industrialisation du XIXe siècle, imposant des semaines à horaires fixes, généralise progressivement le samedi pour se marier.

      *****************



      Le jour des noces est arrivé….
      Le jour du mariage est déjà, pour nos ancêtres, un jour bien rempli, un jour durant lequel vont se succéder des moments très forts, très ritualisés : du cortège de l'église au coucher de la mariée, tout est codifié.

      Veille et avant-veille du jour des noces.
      Les jours précédant la cérémonie, toute la communauté s'affaire : repas et toilette occupent une bonne partie de la communauté féminine, alors que le futur «enterre» sa vie de garçon; privant la jeunesse masculine d'un camarade, il doit une compensation, en offrant un bon repas, au cours duquel les plaisanteries grivoises ne manquent pas.

      Il reste une formalité non officielle, non économique, non religieuse, à accomplir : s'assurer, discrètement, que le groupe de la jeunesse approuve ledit mariage, autrement dit qu'il n'y aura pas de charivari. Les noces sont l'occasion, pour ce groupe, de s'exprimer en tant que gardien de la coutume. Sans arrêt, il va simuler des tentatives de barrage, symbole de la cohésion de la jeunesse. Par exemple, les jeunes hommes du village se présentent devant la maison de la mariée, s'opposent à son mariage, qui la retranche des partis restant possibles… à moins d'une compensation financière, le droit de pelote.
      Parfois, le matin même de la veille des noces, a lieu le rite de la fiancée cachée ou déguisée : lorsque le futur vient au domicile de la future, il doit la retrouver. Autre forme : le matin des noces, le groupe de jeunes vient au domicile de la future et essaie de l'enlever, sauf paiement. En plein cortège, la bande de jeunes gens peut encore se manifester en érigeant une barrière de branchages, de cordes, ou de bottes de paille, pour retarder la noce et exiger un octroi. Après la tentative de rapt monnayée, le cortège peut se mettre en route pour l'église.

      Le cortège.
      A la campagne, le cortège s'organise selon un ordre traditionnel. Il est toujours mené par un musicien (violoneux, binious, bombardes et sonneurs,…). Les musiciens sont présents à chaque étape du rituel de noce. En effet, leur fonction sociale, lors des épousailles ne se limite pas à faire danser les convives. L'air pour faire pleurer la mariée, l'air de la marche, l'air du rôti, l'air de la quête, etc., accompagnent toutes les étapes de la noce à laquelle ils donnent un sens.
      Derrière le violoneux, vient, comme aujourd'hui, la fiancée au bras de son père, puis les parents et les invités. Le fiancé, au bras de sa mère ou de future belle-mère, ferme le cortège.Le cortège.

      La robe de mariée.
      Le mariage est le jour de gloire de la future épouse. Depuis la veille, sa mère, ses sœurs ou des femmes de son entourage s'affairent autour de sa toilette. Elle porte une robe neuve, aux couleurs vives, où le rouge prédomine, parfois, avec une large ceinture et un tablier, une couronne de fleurs sur la coiffe ou le bonnet. Selon les régions et les époques, la couleur a varié, mais elle est toujours vive. Le tablier est le symbole des travaux domestiques qu'elle aura à assumer.
      Au XIXe siècle, la robe de mariée de couleur vive recule devant le noir. L'apparition de la robe blanche se développe au milieu du XIXe siècle, d'abord dans les régions entourant Paris, puis dans les grandes villes et enfin dans les campagnes les plus reculées dans le second quart du XXe siècle.
      La robe de mariée sert plusieurs fois, elle est transformée puis portée lors des fêtes et grandes occasions. La mortalité en couche étant très importante, les jeunes femmes sont enterrées dans leur robe de mariée. Sinon, la robe lorsqu'elle est blanche peut également après plusieurs accouchements réussis servir de rideau pour le berceau du bébé.

      Les invités se reconnaissent aux vêtements de fête ou aux rubans qui les distinguent du reste de l'assistance. A la messe, tous en «livrée», c'est-à-dire avec de longs rubans de couleurs qui caractérisent les «noçous».
      Le jour des noces comprend trois moments forts et symboliques : la cérémonie à l'église, c'est-à-dire l'union des conjoints; puis le repas, qui correspond à l'union des familles; enfin la soirée, qui clôt le rite de passage de l'acceptation symbolique dans le monde des adultes mariés, suivi de la consommation, seconde condition sine qua non, avec les consentements échangés le matin à l'église.

      À l'église.
      L'essentiel de la cérémonie repose sur l'échange des consentements des époux. Le curé, après avoir bénit les époux ainsi que la bague et les pièces de monnaie offertes par le mari à sa femme, exhorte les nouveaux époux, leur rappelle la sainteté du lien conjugal. Il menace d'excommunication tous ceux qui en voudraient troubler l'usage par les «ligatures», allusion au risque du «nouement de l'aiguillette», expression imagée pour désigner l'impuissance du mari : si à l'instant de la bénédiction, un membre de l'assistance à la messe, faisait intentionnellement un nœud («nouait l'aiguillette»), le couple risquerait d'être stérile. A cette époque, la stérilité est maudite, considérée comme une alliance avec le diable.
      Autre croyance, l'époux doit mettre l'anneau au doigt de sa femme d'un seul geste, jusqu'au bout du doigt. Dans le cas contraire, si l'épouse plie le doigt et que la bague s'arrête à l'articulation, c'est elle qui aura le plus d'autorité dans le ménage.
      Le tout se fait, au moins, en présence de témoins imposés, au nombre de deux puis au nombre de quatre. Il s'agit de lutter contre les mariages clandestins, qui, sans témoins, pourraient être facilement rompus.

      Après le moment des signatures, la cérémonie se termine par des plaisanteries grivoises adressées aux mariés dans l'église. La sortie de la messe est l'occasion d'un rite de fécondité : la distribution aux pauvres d'une poignée de grains ou de piécettes jetées à la volée. A l'origine, les mariés les jetaient sur les célibataires. La tradition est aujourd'hui inversée.

      Le festin.
      En ville, après la messe, on file au cabaret. Dans les campagnes, le cortège reprend la direction de la maison du père de la mariée, où est prévu le repas des noces, offert par les deux familles. Ce repas, est considéré populairement comme le stade le plus important du scénario nuptial.
      Le festin est à la mesure de la richesse des deux familles. Une famille modeste limite le nombre de convives.

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      Jour de gloire de la mariée, jour de solennisation à l'église ; le jour du mariage est sans nul doute l'un des moments les plus forts et les plus denses de la vie de nos ancêtres.

       

      Le repas à lieu le plus souvent dans la grange, tendue de draps, où les tables ont été «dressées» à l'ancienne, des planches sur des tréteaux, le tout recouvert de draps.
      Le repas est très long et plantureux : oies en daube, poulets, canards, agneaux se succèdent, arrosés de vin, de cidre en Bretagne ou en Normandie, rythmé par des chants et des danses. Chacun y va de sa chanson, d'un discours.
      On fait des plaisanteries rituelles, (comme le retrait de la jarretière qui est le clou des réjouissances : un garçon d'honneur persuade la mariée de se laisser ôter sa jarretière, laquelle sera découpée et répartie entre les jeunes hommes à qui elle garantit de trouver bientôt une épouse).
      Au XIXe siècle elle est mise aux enchères et rapporte un petit pécule aux époux.

      Soirée et Bal.
      Le bal est ouvert par la mariée. Elle est tenue de danser avec chaque invité. Certaines danses sont symboliques.
      On peut évoquer une coutume ancienne : le rite de l'escapade des mariés, dernière tentative du groupe de la jeunesse pour retarder la consommation du mariage. Les filles aident le couple à se dérober aux garçons d'honneur.
      Les époux s'éclipsent et se retrouvent dans la chambre nuptiale, tenue secrète. Mais bien sûr, les jeunes retrouvent les mariés. C'est l'heure de la soupe, appelée selon les régions, rôtie, chichone, réveillon, chaudeau ou soupe de la mariée : bouillie, soupe au vin épicé, réputée aphrodisiaque, soupe à l'oignon, soupe au lait, à manger avec une cuillère trouée.
      Au moment du coucher des époux, les farces rituelles retardent le moment de l'intimité : telles que, papier dans la serrure, sonnettes dans le sommier. Ce rituel vise à socialiser la perte de virginité, à assurer la communauté que l'acte sexuel a été accompli et que la procréation sera possible.

      Le lit conjugal est généralement apporté en dot par la jeune femme, qui en a fait elle-même la garniture.
      Au XVIIe siècle, le lit est béni par le curé, indiquant la sainteté du mariage. La France du XVIIe siècle mêle sans gêne aux rites chrétiens, des gauloiseries païennes. La famille et les amis font la guerre au jeune couple, en l'abreuvant de grasses plaisanteries. Il en va ainsi de toutes les classes de la société. Louis XIII lui-même (1601-1643), homme chaste et pudique, alla en 1617 «faire la guerre» à sa demi-sœur Catherine Henriette de Vendôme, quand elle fut couchée au Louvre auprès de son jeune époux, le duc d'Elbeuf. Et ce soir là, on ne ferma pas les rideaux du lit sur le jeune couple, nullement gêné.

      Les lendemains de noces.
      Au XVIIe siècle, au lendemain des noces, la mariée reçoit en grande tenue, sur son lit. Cette publicité d'un lieu intime, qui nous paraît si surprenante, s'étend à tous les évènements de la vie conjugale. Coutume ou manque de place ? La distinction entre public et privé n'existe pas alors.
      Le lendemain des noces, les époux font dire une messe pour les morts des deux familles. Le second et troisième jour des noces rassemblent le cercle de la famille restreinte. Ce sont les «renoces» : elles constituent la dernière étape des cérémonies. Les deux dimanches suivants, les mariés offrent chez eux, un repas dit «de retour des noces». Les dimanches suivants, ils font le tour de leur famille. Pendant un an, les nouveaux époux vont jouer un rôle cérémonial spécial, allumant les feux de la Saint-Jean ou de Mardi-Gras, et autres obligations et réjouissances collectives. Ils ont soumis également à de petites obligations ou vexations. Si l'épouse n'est pas enceinte au bout d'un an, son mari est promené à l'envers sur un âne. Ainsi le mariage concerne toute une communauté. Il s'inscrit durablement dans le temps par des rites de passage, répétés et dispersés.

      Si tout se passe bien, notre épousée mettra un enfant au monde dans l’année qui suit ; rarement au delà de dix-huit mois mais bien plus fréquemment dans les six mois qui suivent le mariage voire même quelques jours après !

      A SUIVRE...

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